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L’IA comme alternative aux cookies tiers : promesse ou illusion ?

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L’IA comme alternative aux cookies tiers : 
promesse ou illusion ? 

La fin d’un modèle, le début d’un autre

Depuis plus de 20 ans, la publicité digitale s’est construite sur une colonne vertébrale invisible mais puissante : les cookies tiers. Ces traceurs permettent de suivre les internautes, d’optimiser le ciblage, de personnaliser les messages… et d’automatiser l’ensemble du système programmatique.

Mais cette ère touche à sa fin. Les navigateurs les bloquent. Les utilisateurs les rejettent. Les régulateurs les encadrent. En clair : le modèle s’effondre. Alors une question se pose : sur quoi allons-nous rebâtir ?

En février 2024, nous avons eu l’opportunité d’interviewer Thomas Spitz, expert reconnu à l’intersection de l’IA, de la data et du marketing. Dans cet échange riche d’enseignements, il partageait comment l’intelligence artificielle n’est plus une innovation périphérique, mais une colonne vertébrale stratégique :

  • Ciblage prédictif sans identifiants
  • Personnalisation créative à grande échelle
  • Analyse comportementale en temps réel
  • Et même génération de contenu publicitaire autonome

Une phrase résume bien sa vision : “L’IA ne remplace pas les cookies, elle redéfinit tout le cadre.”

Et si c’était là la véritable révolution post-cookies ? Non pas un retour à une publicité plus floue ou plus intrusive, mais l’occasion de construire un écosystème plus intelligent, plus éthique, plus performant.

Peut-on vraiment faire de l’intelligence artificielle une alternative durable aux cookies tiers ? C’est ce que nous allons explorer dans cet article.

Ce que les cookies tiers permettent et comment fonctionne la pub sans cookies tiers 

Pendant deux décennies, les cookies tiers ont été l’ossature silencieuse d’une publicité digitale hyper-ciblée et mesurable. Ils offraient plusieurs fonctions clés :

  • Suivi des utilisateurs entre sites : en déposant un traceur sur l’appareil d’un internaute, il devenait possible de reconstituer son parcours sur de multiples sites web, révélant ses centres d’intérêt, ses intentions d’achat, ses comportements.
  • Reciblage personnalisé : en identifiant les visiteurs ayant manifesté un intérêt pour un produit ou service, les marques pouvaient leur adresser des publicités spécifiques pour les inciter à finaliser leur conversion.
  • Mesure d’attribution à points de contact multiples: les cookies tiers permettaient d’analyser l’ensemble du chemin utilisateur de la première exposition publicitaire jusqu’à la conversion afin d’attribuer la juste part de succès à chaque point de contact.
  • Optimisation de la performance publicitaire : grâce à des données précises et continues, les annonceurs peuvent affiner leurs campagnes en quasi-temps réel pour maximiser leur retour sur investissement (ROI).

La fin des cookies tiers n’est pas une simple évolution technique. C’est une remise en cause profonde de ces pratiques. Les conséquences sont immédiates :

  • Perte de visibilité sur les parcours clients : il devient difficile de suivre un internaute d’une plateforme à une autre.
  • Fragmentation de la donnée : chaque éditeur ou plateforme possède désormais une vue partielle, cloisonnée, de l’audience.
  • Difficulté à justifier les investissements média : sans une mesure fiable de l’efficacité, convaincre de la rentabilité d’une campagne devient plus complexe.

Face à ce bouleversement, de nouvelles approches émergent :

  • Contextualisation : au lieu de cibler l’utilisateur, on cible l’environnement. Un amateur de sport lira des articles sur le football, inutile de le suivre d’un site à l’autre pour comprendre ses intérêts.
  • Donnée de première partie : les marques investissent dans la collecte directe d’informations auprès de leurs clients (inscriptions, abonnements, achats), créant ainsi des bases de données propriétaires.
  • Identifiants alternatifs : des solutions comme Unified ID 2.0 ou RampID cherchent à remplacer les cookies par des identifiants anonymes, consensuels et plus respectueux de la vie privée.

Ce sont des solutions utiles, mais elles peinent encore à recréer la finesse et la puissance du ciblage fondé sur les cookies tiers.

Ce que l’IA permet déjà (et pourquoi c’est prometteur)

Loin d’être une solution à long terme, l’intelligence artificielle est déjà à l’œuvre dans l’industrie publicitaire. Elle comble, en partie, les vides laissés par la disparition des cookies tiers, en proposant de nouveaux leviers d’action plus respectueux de la vie privée et souvent plus performants.

Ciblage prédictif

Le ciblage prédictif basé sur l’intelligence artificielle repose sur une approche fondamentalement différente de celle des cookies tiers. Au lieu d’identifier un individu et de le suivre dans le temps, l’IA observe ce qu’il fait ici et maintenant, puis évalue, à partir de cette situation, la probabilité qu’il manifeste un certain comportement (intérêt, clic, achat, etc.).

Concrètement, l’algorithme commence par analyser les signaux contextuels accessibles lors de la navigation : la nature du contenu consulté, le moment de la journée, le type de terminal utilisé, ou encore la localisation approximative déduite de l’adresse IP. À l’aide de techniques de traitement automatique du langage (NLP), il décode le sens des pages visitées, leur thématique dominante, leur tonalité, voire leur intention implicite (information, comparaison, action).

Ces signaux sont ensuite comparés à des modèles prédictifs construits en amont, à partir de vastes ensembles de données anonymisées. Ces modèles, entraînés via du machine learning supervisé, ont appris à repérer les configurations de contexte les plus souvent associées à une intention donnée. Par exemple, un utilisateur qui lit un comparatif de smartphones un samedi soir sur mobile affiche un profil comportemental souvent corrélé à une intention d’achat imminente. L’IA calcule alors un score de probabilité d’engagement, qui permet d’activer ou non une publicité, ou d’en adapter le contenu en fonction de l’objectif de la marque.

L’efficacité de cette méthode repose sur sa capacité à fonctionner sans identifiant unique, en tirant parti de la richesse des signaux de contexte et de la puissance de généralisation des modèles statistiques. Cela permet d’atteindre un niveau de pertinence élevé, tout en respectant les exigences éthiques et réglementaires d’un web post-cookies.

Personnalisation dynamique

L’IA révolutionne également la création de messages publicitaires.
Désormais, les systèmes de personnalisation dynamique peuvent :

  • Générer des publicités adaptées en temps réel selon le contexte d’exposition (par exemple : mettre en avant une boisson fraîche lors d’une vague de chaleur, sans connaître l’identité de l’utilisateur).
  • Ajuster les formats, les visuels, les accroches et les appels à l’action de manière fluide, sans nécessiter la collecte de données personnelles intrusives.

La pertinence publicitaire repose ainsi sur l’instant et l’environnement, et non sur une accumulation de données privées.

Elle répond aux exigences réglementaires, comme la Loi 25 au Québec, qui impose aux entreprises des règles strictes de transparence, de consentement et de gouvernance des données, tout en préservant la qualité de l’expérience utilisateur.

Segmentation avancée

La segmentation classique (âge, sexe, localisation) atteint rapidement ses limites dans un monde post-cookies.
L’IA propose une alternative plus fine et plus efficace :

  • Groupes d’audience créés par clustering : en analysant de grands ensembles de comportements et de signaux contextuels, l’IA identifie des regroupements d’utilisateurs partageant des dynamiques similaires, sans besoin d’identification personnelle.
  • Lookalike modeling sans cookies : au lieu de partir d’un fichier CRM enrichi par des cookies, les algorithmes peuvent modéliser des audiences similaires à partir de comportements observés sur les plateformes elles-mêmes.

Cela permet de maintenir une capacité d’expansion et d’acquisition de nouvelles audiences, tout en respectant la confidentialité.

Mesure intelligente

Enfin, la question de la mesure et de l’attribution reste centrale.
Sans traceur individuel, comment évaluer la performance d’une campagne ?
L’IA apporte ici plusieurs réponses innovantes :

  • Attribution probabiliste (ex : Marketing Mix Modeling) : en modélisant l’impact global des canaux et des points de contact sur les ventes ou les conversions, sans avoir besoin de relier chaque vente à un individu précis.
  • Suivi de performance sans identifiants : en utilisant des corrélations statistiques, des panels anonymisés et des techniques de causalité pour estimer l’impact réel des campagnes.

Certes, cette approche est moins granulaire que le suivi individuel classique, mais elle offre une robustesse méthodologique et une compatibilité accrue avec les enjeux de protection des données.

Ce qu’il faut pour que ça fonctionne

Si l’intelligence artificielle ouvre de nouvelles perspectives pour remplacer les cookies tiers, son efficacité dépend avant tout des conditions dans lesquelles elle est déployée. Une stratégie basée sur l’IA ne se décrète pas : elle se construit avec méthode, discipline et anticipation. Voici les fondations indispensables à toute approche publicitaire fondée sur l’IA.

Des données propriétaires fiables et bien structurées

Sans cookies tiers, les marques doivent miser sur leurs first party data : données issues de leurs propres canaux (site web, application, CRM, e-commerce, etc.). Mais il ne suffit pas d’en avoir : encore faut-il qu’elles soient claires, propres, accessibles et exploitables. Cela suppose de centraliser les données, de les normaliser (format, nomenclature, fréquence), de documenter leur provenance, et d’assurer leur actualisation constante. Une IA mal nourrie est une IA aveugle : la qualité des données d’entrée conditionne directement la pertinence des prédictions.

Une infrastructure technique adaptée

L’intelligence artificielle appliquée à la publicité nécessite une infrastructure performante, capable de traiter des volumes importants de signaux en temps réel. Cela implique :

  • des connecteurs API pour relier les sources de données (CRM, DMP, analytics, plateformes média) ;
  • des systèmes de décision programmatiques (DCO, DSP, CDP) intégrables et interopérables ;
  • des environnements cloud évolutifs, qui permettent l’entraînement et l’inférence rapide des modèles.

Sans cet écosystème technique, l’IA reste théorique : elle doit être opérationnelle, connectée et réactive.

Des modèles IA robustes et transparents

Tous les algorithmes ne se valent pas. Il faut des modèles suffisamment puissants pour détecter des signaux faibles, mais aussi expliqués, testés, documentés. Cela implique :

  • des phases d’entraînement sur des jeux de données variés et représentatifs,
  • des tests A/B ou des backtests rigoureux pour mesurer la performance réelle,
  • des critères d’auditabilité pour identifier les biais, comprendre les décisions et assurer leur conformité.

L’enjeu ici n’est pas seulement technique, mais aussi éthique : l’IA ne doit pas être une boîte noire. Elle doit permettre des arbitrages clairs et traçables.

Un respect strict des régulations

Enfin, l’IA publicitaire ne peut fonctionner que dans un cadre de confiance. Cela signifie intégrer les principes de la Loi 25 au Québec ou des autres régulations internationales dès la conception des systèmes : privacy by design. Consentement explicite, droit à l’oubli, minimisation des données, auditabilité des traitements : ces exigences ne sont pas des obstacles, mais des garanties de durabilité.

En s’appuyant sur des bases solides, les marques peuvent ainsi activer une IA publicitaire à la fois performante, responsable et pérenne.

Ces conditions réunies, l’intelligence artificielle peut alors déployer tout son potentiel. Mais face à la complexité et à la précision des cookies tiers, l’IA constitue-t-elle vraiment une alternative crédible voire supérieure ?

IA vs cookies : une vraie alternative ?

L’intelligence artificielle ne reproduit pas les cookies tiers. Elle ne les copie pas. Elle propose autre chose. Un autre cadre, un autre langage, un autre rapport à l’audience. Là où les cookies permettaient d’identifier un internaute et de suivre son comportement dans le temps, l’IA travaille avec des signaux agrégés, des indices en temps réel, des modèles statistiques.

Pour les annonceurs, cela change profondément la manière de penser leurs campagnes. L’abandon des cookies les oblige à revoir leur logique de ciblage, souvent basée sur des profils individuels, pour se recentrer sur l’intention et le contexte. Ce n’est plus l’utilisateur que l’on poursuit de site en site, mais le moment que l’on cherche à comprendre.

Un même produit ne s’adresse pas de la même manière à une personne lisant un article d’actualité le matin sur son ordinateur qu’à une autre consultant une vidéo de tutoriel le soir sur mobile. L’IA permet d’interpréter ces situations et de proposer des messages plus adaptés, plus utiles, parfois même plus engageants.

Cette approche repose sur une lecture dynamique du présent, plutôt que sur une accumulation d’historiques personnels. Cela rend les publicités plus respectueuses, car elles ne s’appuient plus sur une traque invisible. Mais cela suppose aussi une maîtrise fine des outils, des modèles et des sources de données.

L’autre point d’attention, c’est la transparence. Si l’IA prend des décisions mais que personne ne peut en expliquer le fonctionnement, alors elle risque de recréer l’opacité des cookies, voire de l’amplifier. Une marque doit pouvoir comprendre pourquoi un message a été diffusé, dans quel contexte, et avec quel impact. Cela passe par des modèles explicables, des données vérifiées, et une gouvernance claire.

En ce sens, l’IA n’est pas une simple alternative. C’est une refonte. Elle impose de nouveaux repères. Mais elle peut ouvrir la voie à une publicité plus pertinente, plus agile, plus respectueuse des publics.

Conclusion : et si c’était le moment de mieux faire ?

La fin des cookies n’est pas une simple contrainte technique. C’est une invitation à repenser les fondations de la publicité digitale.

Pour les marques, c’est l’occasion de s’éloigner d’un modèle basé sur l’accumulation de données et d’imaginer des stratégies plus alignées avec les attentes actuelles. L’IA n’est pas là pour reproduire les anciens schémas, mais pour proposer un fonctionnement plus souple, plus contextuel, plus respectueux.

Elle permet d’agir sans identifier, de comprendre sans profiler, d’optimiser sans surveiller. Cela demande de nouveaux repères, une meilleure maîtrise des données, une vraie capacité d’interprétation. C’est un travail d’architecture, pas une simple opération technique.

Comme nous le confiait Thomas Spitz, cette transition ne se joue pas sur des outils, mais sur un changement de cadre. L’IA ne remplace pas les cookies. Elle redonne du sens à la façon dont on construit le lien entre une marque et ses publics.

C’est peut-être le bon moment pour faire mieux. Plus de pertinence, plus de cohérence, plus de responsabilité.

Et si le vrai progrès consistait, enfin, à viser juste sans avoir à viser quelqu’un ?

Chez NÜ Programmatique, nous aidons les marques à repenser leur stratégie post-cookies avec des solutions IA responsables et performantes.

Envie de passer à l’action ? Parlons-en.

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